Soit on en tombe amoureux, soit on le fuit, mais le désert ne peut laisser indifférent. Situé dans le légendaire Rul'Al Khali, la plus grande étendue de sable ininterrompue au monde, le Qasr al Sarab (château mirage en français) est un oasis de luxe pour les voyageurs en mal d'émotion. C'est là, en plein coeur du désert de Liwa, oasis luxuriant entouré de paysages vertigineux qui vous enivrent, que je choisis d'initier les enfants.
Dans leur imaginaire, le désert représente une immense aire de jeu ou il est possible de glisser, se rouler, se vautrer, faire des sauts, escalader des dunes pour ensuite les descendre en faisant la course à pied, en surf ou même en luge. Le désert de sable leurs offre les mêmes loisirs que des vacances à la montagne en hivers, à la seule petite difference qu'au lieu du froid mordant et de la bise glaciale, la brûlure du soleil finit rapidement par vous faire ralentir et tirer une langue sèche et râpeuse. Les hallucinations du Capitaine Haddock dans l'album de Tintin 'Le crabe aux pinces d'or' sortent soudainement du domaine de la fiction lorsque vous vous mettez a imaginer des canettes de boissons fraiches plantées dans le sable.
Désert rime avec... dromadaire, il est l'animal emblématique de ces paysages infinis, loin devant les scorpions, les serpents, les fennecs, les oryx. Quel physique atypique cet animal domestiqué et peureux déploie : de larges pieds, sorte de plaques cornées, opèrent à la façon de pneumatiques au bout desquels quatre membres longilignes et interminables débouchent sur un bidon grassouillet et un dos bosselé d'où part un long tube au bout duquel pend une tête garnie de naseaux amples, de lèvres épaisses et charnues, d'yeux globuleux protégés par deux rangées de longs cils... et, à l'autre extrémité, une queue courte se termine par un pinceau de poils rêches.
C'est pourtant bien a dos de ces bêtes que l'on jouit d'un panorama d'excellence a travers les dunes baignées de soleil. Le paysage, qui semble infini, se déroule inlassablement devant vos yeux au fil d'une balade que l'on trouve toujours trop brève. Apres la méfiance, voir la peur de choir d'une telle hauteur, une fois dissipé le frisson qui parcours votre corps au moment ou la bête se redresse sur ses pâtes arrières et que votre corps bascule dangereusement vers l'avant, ma cadette, ce bougre de petit cornichon, ne parlait plus que d'adopter un dromadaire comme animal de compagnie...
Pendant ce temps, mon ainé aura certainement déplu au compagnon du quadrupède par lui monté. Le damné bachibouzouk attaché a notre caravane poussait inlassablement T hors de sa monture à force de pressions faciales sur sa jambe. Les gémissements continuels (phénomène trop souvent connu du bureau des plaintes que je dirige malheureusement) furent ignorés jusqu'à ce que je me retourne après une sornette linguistique criée, du type ' c'était drôle au début, maintenant c'est devenu l'enfer...' et constatais que la tête de mule avait forcé mon Dupont et Dupond à chevaucher en amazone. Une intervention musclée mis fin à la torture.
T préféra les acrobaties dans les dunes qui ondulent en vagues dorées dans une mer de sable, sanglé à l'arrière d'un 4x4 conduit à toute vitesse et livrant les sensations d'un roler-coaster. Ce sport appelé 'dune bashing' (frapper les dunes) est une spécialité locale très prisée. 'Il est fortement conseillé de ne pas avoir pris de collation au moins 90 minutes précédent votre session', précise le formulaire de consentement...
Revenons a notre arrivée en pleine nuit dans cet environnement idyllique, dans ce complexe hôtelier au raffinement exemplaire. Après nous être vu confisquer notre tout nouveau carrosse, aux mains de laquais, dans une cours d'honneurs aux mille fontaines, on s'attend à être accueilli par Tric Trac (Nick Nack en v.o) avec une bouteille Don Perignon 64 qu'ouvrira Scaramanga d'un simple coup de feu. Un cocktail de lait de dromadaire infusé à la date et sucré au miel d'acacia, plus proche des coutumes bédouines, fit quand même l'affaire. Puis, le Tric Trac local nous conduit faire le tour des installations à bord d'un mini moke électrique, sans que nous puissions constater de quoi continuer un parallélisme avec une aventure James bondesque. Tant pis, à l'aube d'un nouveau jour, un petit déjeuner gargantuesque (exception faite de la 'piscine aux mouches',comprendre chocolat chaud commandé par notre Dupont et Dupond) nous fit éclater la panse. Cela ne m'empêcha nullement de jouer à 'montre moi le contenu de ton assiette, je devinerai de quel pays tu viens'?
Ce jeu se décline aussi au bord de la piscine entre deux pages d'une lecture rébarbative: j'arbore un ensemble short chemise dans des dégradés de beiges, limite tenue coloniale modernisée, mes pieds sont serrés dans des Pataugas, un long foulard en voile de coton s'enroule autour de ma gorge délicate, je suis, je suis...mais oui bien sûre...francais. Il en existe une autre variante qui se décline comme suit: je suis chaussé de petites sandales à la semelle noire bitume en caoutchouc sec avec sangles de harnais à scratch, t-shirt déformé 'J'aime St Barth', polaire vert grenouille ou orange fluo Quechua, petit sac à dos de la même marque prestigieuse...inutile d'en dire plus, vous l'aurez reconnu!
J'ai aussi perfectionné mon flaire pour démasquer mes compatriotes d'adoption. L'anglais en maillot de bain dévoile sans complexe une chair d'un blanc laiteux voir phosphorescent avant ou/et même après exposition au soleil. Certain pourtant mutent au cours de la journée, et se trouvent transformés en homard à la nuit tombée. Mais tous partagent le même engouement pour les tabourets du bar de la piscine ou on peut les trouver, a toute heure, profitant d'offres alléchantes de cocktails géants pour cinq ou de mini tonneaux de bière à deux pailles.
J'attends toujours avec un certain plaisir coupable le moment où, leur vessie pleine les oblige à traverser la piscine pour en sortir, souvent au péril de leur vie tellement ils tanguent dangereusement dans des flots pourtant calmes.
La version face de nos amies british pose abondamment et expose sa chair nourrit à la blonde et serrée dans un micro bikini un chouilla trop étroit, lunettes miroir roses, corps luisant a volonté. Son maquillage lui, ne coule pas sous ses moues boudeuses étudiées. La position très cambrée dans son approche du bassin semble lui être toute naturelle, branche de lunettes savamment mâchouillée entre des dents ultra bright, main négligemment positionnée sur une hanche débordante. Ne vous méprenez pas, je suis admirative de tant d'assurance.
Pour l'anglaise en vacances, c'est tous les jours samedi soir. Vous ne la trouverez pas à dos de dromadaire ni à escalader la dune la plus élevée en vue de se perdre dans la contemplation d'un coucher de soleil, non non. Entre chien et loup la belle est toute occupée à essayer de regagner sa chambrée afin de procéder à l'épandage d'une nouvelle couche d'emplâtre, de brûler un peu plus ses extensions à l'aide de son propre fer lissant où de parfaire une manucure fraîche. Enfin, elle est toute à son excitation de pouvoir choisir quelle somptueuse robe longue, en lycra synthétique, enfiler pour le diner Al Falaj (cuisine bédouine dégustée dans le sable sous les étoiles). Pendant le dîner, ainsi affublée, elle se sentira tout à son aise, les chevilles nouvellement tatouées au henné à la seule lumière d'un téléphone portable. Ses enfants paisseront bruyamment dans un rayon de cent mètres.
Je conclurai ce post par une dernière petite anecdote familiale illustrant le service visant l'excellence de cet établissement. Tant de perfection et de luxe font que certains peuvent se méprendre sur la nature et je dirai même plus, sur la fonction des rondelles de concombre servies sur plateau d'argent par l'un des 'Sun Boy' en faction au bord de la piscine. A peine déposées dans la creux de la main de mon illustre époux que je vis les deux rondelles disparaitre dans sa bouche. Le 'Sun Boy' n'a pas eu le temps d'articuler la première syllabe de "for your eyes only, Sir".
"Ben quoi, c'est bon les concombres!"